L'isolation du pisé : pourquoi la laine de verre n'est pas la meilleure option
Comment isoler une maison en pisé de manière durable ? Éviter la laine de verre pour prévenir les désordres et respecter les propriétés physiques d'un mur ancien en pierre ou en pisé.
« Je viens de finir la rénovation d’une maison en pisé. J’ai confié l’isolation et le placo à une entreprise qui a isolé les murs en pisé avec de la laine minérale Isover 100mm avec kraft. Je viens de lire que cette méthode est inappropriée voire conséquente pour l’intégrité des murs ! Que dois-je faire pour corriger le tir sachant que les travaux de finitions sont terminés ? Il est à noter que je fais faire un crépi de rénovation à la chaux. Merci pour votre réponse. »
Nous recevons souvent des questions de ce type et y répondons à travers nos prestations de conseil. Bien que l’isolation du pisé avec de la laine de verre ne compromette pas systématiquement l’intégrité des murs, elle peut poser problème dans certains contextes. Cette solution reste néanmoins inadaptée aux murs anciens, comme nous l’expliquerons dans cet article.
Propriétés physiques des murs anciens en pisé ou en pierre
Perspiration et régulation hygrométrique
Les murs des maisons anciennes, notamment ceux en pisé ainsi que les murs en pierres maçonnées avec un liant à base de terre ou de chaux, absorbent et retiennent l’humidité (hygroscopie(1)), favorisent la migration par capillarité(2) et permettent la diffusion de la vapeur d’eau(3). On les qualifie de murs perspirants(4).
La pression de la vapeur d’eau sur les parois d’un bâtiment
La vapeur d’eau traverse les parois en migrant d’un espace où sa concentration est élevée vers un espace où elle est plus faible. En hiver, dans un bâtiment chauffé, la vapeur d’eau se dirige de l’intérieur vers l’extérieur à travers les parois. En été, ce phénomène s’inverse. Cette migration reste sans effet néfaste lorsque la vapeur s’évapore en sortant de la paroi.
Cependant, la vapeur d’eau se refroidit en atteignant les zones les plus froides. Elle se condense alors en eau lorsque la température atteint un seuil précis. Ce seuil correspond au « point de rosée ».
Le diagramme de Mollier montre ce point de rosée en fonction de la température de l’air et du taux d’humidité (hygrométrie) exprimé en pourcentage.
Fonctionnement de l’hygroscopie des murs anciens en pisé ou en pierre
L’hygroscopie des murs en pisé ou en pierre permet de fixer une partie de la vapeur d’eau émise par les occupants. Ainsi, le pisé et, dans une certaine mesure, les murs en pierre stockent et déstockent de la vapeur d’eau en fonction du taux d’humidité relative de l’air et des températures.
De cette manière, les parois les plus hygroscopiques retardent l’apparition du point de rosée. Toutefois, elles restent sensibles à l’humidité, qui, si elle se développe, pourrait provoquer des dommages importants à l’intégrité du bâtiment.
Les murs anciens pactisent avec l’humidité
Le caractère capillaire des murs anciens, en particulier ceux en pisé, permet le transit de la vapeur d’eau. L’extraction de cette vapeur d’eau se trouve facilitée par l’utilisation de parements à capillaire très ouvert (comme les enduits à la chaux ou en terre).
L’utilisation de matériaux à capillaire fermé bloque la migration de l’humidité à travers le mur. Cela entraîne l’accumulation de l’humidité, suivie d’un gonflement des matériaux, ce qui provoque leur dégradation.
Isoler le pisé avec de la laine de verre, conséquences et impacts
Propriétés des laines de verre et des laines minérales
Les isolants minéraux (laine de verre, laine de roche) sont les isolants conventionnels les plus communs. Ils existent sous différentes formes : en panneaux semi-rigides ou en rouleaux, en vrac pour l’insufflation. Ces isolants sont imputrescibles mais très perméables à la vapeur d’eau et, caractéristique déterminante en ce qui concerne notre attention pour les bâtiments en pisé, les isolants minéraux sont non capillaires et non hygroscopiques.
En raison de ces caractéristiques hygrométriques contradictoires, les isolants en fibres minérales s’avèrent incompatibles avec les murs anciens en pierre, en pisé ou en colombage. Les isolants à pores fermés, tels que le polyuréthane ou le polystyrène, doivent être proscrits dans le bâti ancien.
Quelles sont les pathologies pouvant être occasionnées sur un mur en pisé par les doublages en laine de verre ?
La concentration de l’humidité dans les doublages
- Le principal risque de pathologie réside dans la concentration de l’humidité à l’intérieur des isolants. L’humidité entraîne le tassement des isolants, ce qui réduit leur capacité à stocker l’air de manière statique, en resserrant les fibres. Cela augmente la conductivité thermique de l’isolant.
- Le tassement et les décrochages verticaux des isolants les moins denses favorisent des phénomènes de convection dans la paroi. Ces phénomènes dégradent les qualités thermiques de l’isolant, de manière similaire à un pull traversé par le vent.
- En parallèle, la vapeur contenue dans l’air chaud intérieur se condense sur les zones froides des parois. Par conséquent, l’eau ne s’échappe plus sous forme de vapeur mais s’accumule sous forme liquide, en raison du point de rosée. Cette humidité a également un impact sur la consistance des murs anciens, qui sont parfois sujets à d’importantes remontées capillaires en provenance du sol.
- La migration hygroscopique naturelle des murs est altérée. En conséquence, des moisissures se développent sur les parements et en surface des murs.
⇒ Le service thermique de l’isolation peut se dégrader en l’espace de quelques saisons
Le kraft est-il une barrière efficace contre la vapeur d’eau ?
Non, le revêtement kraft ne peut en aucun cas être considéré comme un pare-vapeur. D’ailleurs, les fabricants ne fournissent pas le coefficient Sd du kraft. Ce Sd serait de 0,4 m, bien loin des 15 m nécessaires pour qualifier un matériau de pare-vapeur.
Les photographies ci-dessous témoignent de la dégradation avancée d’une laine minérale soumise à la pression de la vapeur d’eau.
Source & illustration ProClima : Avec une température intérieure de l’air de 20°C, un taux d’humidité relative de 50%, et une faible différence de pression (4 Pa) entre l’intérieur et l’extérieur, une fente de 1 mm d’une longueur de 1 m sur un pare vapeur laissera passer jusqu’à 0,8L de vapeur d’eau par jour.
Illustration de laine minérale avec kraft fortement dégradées par la vapeur d’eau. La photographie a été réalisée 5 années après la pose.
Je persiste et souhaite isoler un mur en pisé avec de la laine de verre
Les membranes hygrovariables en protection d’une laine de verre sont-elles une réponse adaptée au bâti ancien ?
Les membranes hygrovariables, si elles sont bien posées et si leur étanchéité est préservée durant le chantier, offrent une protection efficace contre la vapeur d’eau interne. Cependant, la laine de verre n’étant pas hygroscopique, l’humidité a tendance à s’accumuler à son contact. Elle perd donc progressivement sa résistance thermique à cause du caractère hygroscopique des murs. Une discontinuité capillaire se crée. Par conséquent, l’humidité ne peut plus s’évacuer.
Isoler le pisé avec de la laine de verre et un vide d’air, comme le proposent de nombreux artisans : est-ce la solution ?
Non, cette solution est néfaste. En effet, le vide d’air ventilé génère un phénomène de convection par déplacement thermique de l’air chaud saturé d’humidité. Ce phénomène amplifie considérablement les échanges et l’accumulation de vapeur d’eau saturante. Cette « vraie fausse » solution reste néanmoins pratiquée et conseillée par de nombreux artisans en région pisé !
→ Nous verrons dans un prochain article quelles sont les solutions les plus appropriées pour l’isolation d’un mur en pisé et si celui-ci doit systématiquement être isolé. Nous aborderons aussi la qualification « d’épave thermique » parfois utilisée pour désigner le bâti ancien.
Une prestation de conseil pour éviter les erreurs thermiques
Afin d’éviter les erreurs, pour vous guider et concevoir une stratégie thermique puissante, adaptée à votre maison ancienne, nous proposons une prestation de conseil.
L’isolation du pisé avec de la laine de verre : une méthode peu compatible avec le bâti ancien
Concevoir une stratégie thermique pérenne adaptée à la physique du bâti ancien
Isoler le pisé avec de la laine de verre ne compromet pas forcément l’intégrité structurelle des murs en terre. Toutefois, la laine de verre dégrade les qualités hygroscopiques des murs anciens. De plus, les isolants minéraux accentuent les pathologies liées à l’humidité. Lorsqu’ils sont déployés dans une maison ancienne, ces isolants n’offrent pas un service thermique efficace et durable dans le temps.
Il faut comprendre les phénomènes physiques qui régissent l’application d’une stratégie thermique sur un mur ancien. Il est également nécessaire de (re)concevoir nos usages de l’énergie et d’aborder de manière concrète les services que l’énergie nous rend pour en définir le juste niveau nécessaire.
(1) Hygroscopie : se dit d’un matériau qui a la propriété d’absorber (d’attirer) une partie de l’humidité contenue dans l’air par absorption ou adsorption (rétention de l’humidité).
(2) Capillaire : un matériau est plus ou moins capillaire selon sa nature et sa constitution interne. L’eau parcourt verticalement la capillarité d’un matériau à travers les ramifications de canaux microscopiques du diamètre d’un cheveu (d’où le nom de ce phénomène) jusqu’à équilibre avec la force de gravité qui s’exerce sur les molécules d’eau.
(3) Vapeur d’eau : forme gazeuse de l’eau. Nos activités ainsi que notre corps, par sudation ou par respiration, produisent de la vapeur d’eau de manière variable. Dans l’habitat, les quantités produites peuvent dépasser plus d’une dizaine de litres par personne et par jour. Un des rôles de la ventilation est d’évacuer la vapeur d’eau présente en excès.
(4) Perspiration : dans le bâtiment, se dit d’une paroi qui assure la migration de la vapeur d’eau. Elle est en capacité de réguler une partie de l’hygrométrie de l’air tout en assurant une parfaite étanchéité à l’air. Ces parois ne se substituent pas à la ventilation qui reste nécessaire.
